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L’énergie renouvelable au Québec : politiques actuelles et à venir

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Pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris, les pays signataires de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), qui s’est tenue à Dubaï aux Émirats arabes unis, se sont engagés à tripler la capacité d’énergie renouvelable dans le monde d’ici 2030.

Dans cet esprit, le Québec place les énergies renouvelables, et particulièrement l’électricité, au cœur de sa stratégie pour respecter ses engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5% d’ici 2030 et à atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Une demande accrue en énergies renouvelables, et particulièrement en électricité, est donc à prévoir pour permettre la transition énergétique et la décarbonation de l’économie. Le présent billet explore les impacts de cette demande accrue, ainsi que les politiques publiques québécoises actuelles et futures visant à y faire face. Ces thèmes seront également abordés dans le cadre du Congrès du CPEQ qui se tiendra le 18 septembre 2024. Inscrivez-vous en grand nombre!

 

Demande en électricité, capacité de production ou de distribution et impacts pour les entreprises

Comme mentionné précédemment, le gouvernement mise d’abord sur l’électrification de l’économie pour atteindre ses cibles de réduction des émissions de GES, avec son Plan pour une économie verte 2030 (PEV2030) et son Plan de mise en œuvre (PMO) évolutif. Parmi les secteurs visés par l’effort d’électrification, notons :

Les véhicules légers, les autobus et certains camions;

Les entreprises industrielles et commerciales;

Les bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels;

Les fermes.

À cela s’ajoute la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies qui prévoit notamment un accroissement de la production d’hydrogène vert à partir d’électricité renouvelable (voir à ce sujet notre billet sur l’hydrogène) ainsi que des initiatives d’autres paliers de gouvernement, comme l’interdiction proposée des appareils de chauffage à combustion par la Communauté métropolitaine de Montréal.

Mis ensemble, l’électrification de l’économie et l’accroissement de la production d’hydrogène vert contribuent à accroître la demande en énergie et en puissance électrique au Québec. D’ailleurs, les entreprises ressentent déjà la pression de la demande sur la disponibilité de l’électricité.

En effet, depuis 2023, les projets d’une puissance de 5 MW et plus visés par la Loi visant notamment à plafonner le taux d’indexation des prix des tarifs domestiques de distribution d’Hydro-Québec et à accroître l’encadrement de l’obligation de distribuer de l’électricité doivent obtenir une autorisation du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MÉIE) pour être raccordés au réseau d’Hydro-Québec. À ce sujet, il est intéressant de constater que 9 des 11 projets autorisés en 2023 concernent soit la filière batterie, les bioénergies, l’acier vert ou l’hydrogène vert. Parmi les 11 projets autorisés le 6 juin 2024, 6 concernent les bioénergies, la chimie verte, l’acier vert et la filière batterie.

En outre, seulement en 2023, 24 projets ont été refusés, soit parce qu’ils ne respectaient pas les critères d’allocation des blocs d’électricité, soit parce que le distributeur n’avait pas les « capacités techniques pour le raccordement ». C’est donc dire que les entreprises pourraient faire face à des difficultés d’approvisionnement en électricité pour leurs projets, nuisant ainsi aux efforts de décarbonation, au développement économique et à l’attractivité du Québec.

 

Stratégies pour accroître la disponibilité de l’électricité

Dans ce contexte, un vaste chantier est en cours pour rendre l’électricité et les autres formes d’énergie renouvelable disponibles en quantité suffisante pour permettre au Québec de réaliser ses ambitions climatiques.

 

Efficacité énergétique

D’abord, le Québec doit lancer un grand chantier en efficacité énergétique. Ce chantier se reflète notamment dans le Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec, lequel cherche notamment à aider sa clientèle à mieux consommer l’énergie. Pour ce faire, des initiatives telles que LogisVert et Hilo ont déjà été déployées. Des programmes gouvernementaux ont également été mis en place pour améliorer l’efficacité énergétique du secteur industriel (ex. ÉcoPerformance) et du bâtiment (ex. RénoClimat, Éconologis et NovoClimat). Notons qu’Énergir a également des programmes pour augmenter l’efficacité énergétique.

À cela s’ajoute la sanction, le 27 mars 2024, de la Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique (Loi 5). À ce sujet, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, M. Benoit Charette, a exposé l’objectif de cette loi dans le cadre des travaux parlementaires :

« Et le but du projet de loi, si je devais le résumer en quelques mots, c'est s'assurer d'une meilleure performance énergétique de nos bâtiments autant l'existant que les nouveaux. On sait qu'on a un défi énergétique important au niveau québécois, et ce qu'on aime répéter continuellement l'économie... c'est-à-dire, l'énergie la moins chère est celle que l'on n'utilise pas. Or, on a des bâtiments au Québec qui, dans certains cas, sont très énergivores, donc il y a une possibilité de récupérer un potentiel énergétique avec des bâtiments plus performants, et c'est ce que vise le projet de loi, et de nous nous donner des outils pour y parvenir. Déjà, si on se reporte au dépôt du Plan pour une économie verte, on s'était fixé des objectifs pour le bâtiment, des objectifs ambitieux à atteindre d'ici 2030, des objectifs qui vont nous aider à atteindre notre cible de réduction de GES de 37,5 %. »

Pour ce faire, cette Loi 5:

Instaure un système de déclaration, notamment de la consommation énergétique des bâtiments;

Instaure un système de cote de performance environnementale des bâtiments (la Ville de Montréal a adopté un règlement similaire);

Accorde au gouvernement le pouvoir d’adopter des normes en matière de performance environnementale des bâtiments, y compris en matière énergétique.

Les règlements d’application de la Loi 5 préciseront quels bâtiments seront visés, de même que l’échéancier de mise en œuvre, lequel devrait être progressif et s’échelonner de 2025 à 2031, selon l’aperçu des intentions réglementaires disponible sur le site internet de la commission parlementaire des transports et de l’environnement.

Par ailleurs, pour en savoir davantage concernant l’efficacité énergétique, mais également concernant la gestion de l’énergie et la gestion des actifs dans un contexte industriel, nous vous invitons à consulter le guide du CPEQ intitulé La décarbonation et l’atteinte de la carboneutralité en entreprise.

 

Circularité et symbioses industrielles : le cas des rejets thermiques

Comme l’indique le rapport sur l’indice de circularité du Québec, l’économie linéaire requiert de grandes quantités d’énergie. Ainsi, une plus grande circularité dans la production de biens et de services a le potentiel de contribuer à la réduction de la demande en énergie et donc à améliorer sa disponibilité.

Une forme précise de symbiose industrielle et d’économie circulaire mérite une attention particulière. En effet, les entreprises peuvent, dans certains contextes, capter et réutiliser les rejets thermiques d’un procédé pour en alimenter un autre ou encore pour chauffer ou préchauffer un espace.

Cela peut être réalisé à l’interne par une même entreprise et une telle initiative peut bénéficier d’une aide financière dans le cadre du programme ÉcoPerformance. La valorisation d’un rejet thermique peut également se faire par un tiers et un tel projet serait plutôt admissible au Programme de valorisation des rejets thermiques. Pour faciliter la valorisation des rejets thermiques par des tiers, une carte des rejets et des besoins thermiques est disponible en ligne.

Afin notamment d’améliorer la précision et l’exhaustivité de cette cartographie, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a lancé, au début de 2024, une consultation en vue d’élaborer un règlement concernant la déclaration obligatoire des rejets thermiques. Le MELCCFP envisage également, dans une seconde phase, d’adopter des exigences réglementaires de minimisation et de valorisation des rejets thermiques.

 

Augmentation de la capacité de production et de distribution

Malgré le chantier en cours en matière d’efficacité énergétique, il est indéniable que le Québec devra accroître son offre d’énergie renouvelable pour atteindre ses objectifs climatiques tout en maintenant une vitalité économique. D’ailleurs, le projet de loi 69 sur l’énergie, déposé le 6 juin 2024, fixe la cible des approvisionnements en électricité à 255 TWh d’ici 2035.

À ce sujet, le Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec prévoit:

Tripler la capacité de production éolienne;

Ajouter de nouvelles capacités hydroélectriques;

Intégrer plus de solaire et de stockage par batterie;

Planifier la conversion au gaz naturel renouvelable (GNR) de la centrale de TransCanada Énergie à Bécancour pour une utilisation en période de pointe;

Explorer d’autres filières énergétiques, telles que l’éolien en mer et le nucléaire;

Rehausser la capacité du réseau de transport d’électricité.

Pour contribuer à cet effort, des entreprises privées se sont associées avec Hydro-Québec pour réaliser des projets d’énergie renouvelable, comme dans le cas des projets de la Seigneurie de Beaupré et d’Arthabaska. Hydro-Québec souhaite d’ailleurs jouer un rôle structurant dans la filière éolienne, surtout pour les projets de grande ampleur, avec le lancement de sa Stratégie de développement éolien en mai 2024.

Certaines entreprises voudront par ailleurs assurer leur propre approvisionnement énergétique par l’autoproduction d’électricité ou encore par des contrats d’achat d’électricité privés (aussi appelés des « contrats d’approvisionnement énergétique »). Pour en savoir davantage à ce sujet et consulter des études de cas, nous vous invitons à consulter le guide du CPEQ intitulé La décarbonation et l’atteinte de la carboneutralité en entreprise.

 

Loi sur l’énergie

La question de la production privée d’électricité soulève déjà des débats entre ceux qui s’y montrent favorables et ceux qui s’y opposent.

À ce sujet, une consultation sur l’encadrement et le développement des énergies propres au Québec s’est tenue à l’été 2023 afin de « recueillir le point de vue de la population québécoise sur les actions à considérer pour la modernisation du cadre légal et réglementaire régissant le secteur de l’énergie du Québec », notamment la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l’énergie. Cette démarche explore entre autres choses la possibilité de permettre les contrats d’achat d’électricité privés, lesquels ne sont actuellement pas permis au Québec sauf dans le cadre de projets pilotes.

La consultation de l’été 2023 a culminé avec le dépôt à l’Assemblée nationale, le 6 juin 2024, du projet de loi 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives (projet de loi 69). Parmi les grands changements proposés par ce projet de loi structurant, notons particulièrement :

  • Le pouvoir confié au ministre d’établir et de mettre en œuvre un Plan intégré de gestion des ressources énergétiques;
  • La révision des modalités de fixation des tarifs d’électricité basés sur les coûts de service;
  • Le retrait de l’obligation pour Hydro-Québec de devoir procéder à des appels d’offres pour de nouveaux contrats d’approvisionnement;
  • La mise sur pied d’un programme d’aide financière pour limiter l’impact de la hausse des tarifs d’électricité pour les clientèles domestiques;
  • Le rehaussement du seuil d’une centrale hydroélectrique à 100MW en deçà duquel le gouvernement peur louer la force hydraulique;
  • La reconnaissance explicite de l’autoproduction d’électricité et de la production d’électricité de source renouvelable distribuée à un seul consommateur pour les besoins de l’installation de ce dernier, dans la mesure où ces installations sont adjacentes au site de production et où le gouvernement l’autorise.

Le CPEQ étudie en détail ce projet de loi et formulera des commentaires, lesquels auront pour objectif de favoriser l’accélération de la production de toutes les formes d’énergie renouvelable au meilleur coût. Cela nous apparaît essentiel afin d’accélérer la décarbonation et d’assurer la vitalité économique du Québec.

Notons par ailleurs que, pour accélérer davantage le déploiement des énergies renouvelables, le projet de loi 69 n’est pas suffisant en soi  et devra être accompagné, en parallèle, d’une simplification des autorisations environnementales afin de réduire le fardeau administratif des projets tout en maintenant un niveau élevé de protection de l’environnement, y compris de la biodiversité conformément aux objectifs fixés dans le Cadre Mondial de la biodiversité biologique de Kunming-Montréal.

À ce sujet, le Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec souligne la nécessité de « nouveaux cadres législatif et réglementaire adaptés aux besoins de la transition énergétique », notamment la « simplification et un meilleur alignement des processus des deux paliers gouvernementaux », qui seront requis pour augmenter rapidement la production d’énergie renouvelable. Notons que cet enjeu n’est pas propre au Québec puisque l’Agence internationale de l’énergie a identifié les délais d’autorisation des projets comme l’un des défis pour le déploiement de l’énergie éolienne en Europe et en Amérique du Nord.

 

Bouquet énergétique et innovation

Bien que le Québec soit avantageusement positionné pour produire de l’électricité de source renouvelable, des solutions complémentaires sont également disponibles ou en cours de développement pour assurer un approvisionnement énergétique suffisant et décarboné.

Par exemple, l’hydrogène et les bioénergies telles que le GNR, l’huile pyrolytique et le carburant durable d’aviation (SAF) constituent des solutions intéressantes pour des usages difficiles à électrifier. Il convient donc de poursuivre les efforts de déploiement de ces solutions en parallèle de l’électrification de l’économie, notamment à travers le Programme Bioénergies. La biénergie, pour sa part, permet de consommer « la bonne énergie au bon moment ». Bien qu’il n’y ait pas actuellement de plan concret pour le retour de l’énergie nucléaire, cette filière sera certainement considérée dans le bouquet énergétique étant donné ses faibles émissions de GES.

L’innovation sera également essentielle afin de faire émerger les nouvelles solutions technologiques qui pourraient accélérer la transition énergétique. À ce sujet, des programmes tels que Technoclimat demeureront d’actualité pour les années à venir.

En somme, l’avenir énergétique du Québec requerra un ensemble de solutions et de technologies, lesquelles devront être facilitées par le cadre politique, législatif et réglementaire. Étant donné l’ampleur du défi énergétique, le CPEQ s’attend non seulement à des politiques et à des réglementations visant à accroître la disponibilité de l’électricité, mais qui visent aussi à déployer un bouquet d’énergies décarbonées qui, ensemble, permettront au Québec d’atteindre ses objectifs climatiques.

L’atteinte de ces objectifs sera par ailleurs renforcée par la contribution du secteur industriel, un acteur clé pour fournir de manière responsable les ressources, matériaux et équipements indispensables à la transition vers les énergies renouvelables.

 

 

Me Hélène Lauzon Me Olivier Dulude
Présidente-directrice générale    

Directeur adjoint des affaires publiques et législatives

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