La frénésie autour du dossier des matières résiduelles ne date pas d’hier, mais les choses se sont définitivement bousculées au cours des dernières années, voire des derniers mois. Il n’y a, en effet, qu’à penser à la fermeture des marchés asiatiques aux ballots de matières résiduelles québécoises, à la commission parlementaire sur les enjeux du recyclage et de la valorisation locale du verre, à l’annonce de la fermeture des centres de tri opérés par l’entreprise TIRU et, bien entendu, à l’annonce attendue du gouvernement québécois concernant l’avenir de la consigne et de la collecte sélective.
Mais en quoi consistent ces annonces exactement? Voici, en rafale, ce qu’il faut en retenir :
La réforme de la consigne en bref :
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Il est important de savoir qu’il existe deux systèmes de consigne. Le système privé, géré exclusivement par l’industrie, vise les contenants à remplissage multiple (CRM) pour les bouteilles de bière ainsi que les bouteilles d’eau de 8 litres et plus et atteint un taux de récupération de plus de 95%. Aucun changement n’est prévu au système privé de consigne concernant les CRM pour les bouteilles de bière ainsi que les bouteilles d’eau de 8 litres et plus.
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Le système public, pour sa part, s’applique aux contenants à remplissage unique (CRU), comme les cannettes de bière ou de boissons gazeuses1. C’est au système public que le gouvernement s’attaque avec l’élargissement de la consigne afin d’accroître les taux de récupération, qui se situeraient autour de 75%. La consigne actuelle continue cependant de s’appliquer jusqu’à ce que le nouveau régime de la consigne entre en vigueur.
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Avec l’élargissement du système public de la consigne, ce sont tous les contenants à remplissage unique de boisson prête à boire, de 100 millilitres à 2 litres, qu’ils soient en plastique, en verre ou en métal, qui seront assujettis à la consigne à compter de l’automne 2022.
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Dans un deuxième temps, les contenants à remplissage unique de boisson de type carton multicouche seront assujettis à la consigne à compter de l’automne 2024.
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La consigne proposée serait fixée à 0,25 $ pour les bouteilles de vin et de spiritueux et à 0,10 $ pour tous les autres contenants consignés.
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Les entreprises qui mettent en marché les contenants de boisson auraient la responsabilité financière, opérationnelle et communicationnelle du nouveau système, à travers un organisme reconnu par RECYC-QUÉBEC. Il s’agit donc de la consécration du régime de la responsabilité élargie des producteurs applicable aux entreprises qui mettent en marché ces produits, à l’instar des entreprises qui mettent en marché de l’huile, de la peinture, des produits électroniques, des lampes et de piles et qui ont des taux de récupération et de valorisation à respecter2.
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Le taux de récupération des matières visées par la consigne devra atteindre 75% d’ici 2025 et 90% d’ici 2030.
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Les entreprises disposent d’un délai d’un an, soit d’ici le mois de janvier 2021, pour déposer un plan de déploiement de la consigne, lequel doit prévoir la mise en place d’un réseau accessible et efficace de récupération présent sur tout le territoire, de manière à ce que les consommateurs puissent aisément rapporter leurs contenants et contribuer à la performance du système.
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Selon le scénario envisagé actuellement, ce réseau serait constitué à la fois de points de récupération chez des détaillants et de centres de dépôt mis sur pied par l’industrie.
En choisissant d’élargir la consigne, le gouvernement fait le pari qu’un meilleur tri des matières résiduelles à la source, par le citoyen, favorisera une meilleure qualité des matières récupérées. Selon cette logique, leur recyclage et leur valorisation en seraient facilités, ce qui permettrait de trouver de nouveaux débouchés, locaux ou internationaux, pour les matières résiduelles issues de la collecte sélective.
Selon les informations disponibles au moment d’écrire ces lignes, il semble que la consigne ne concernera que les contenants de boisson. Ainsi, la consigne ne viserait, par exemple, ni les boîtes de conserve ni les pots de condiments, sauces, tartinades ou autres, lesquels représentent une proportion importante du « bac de récupération »3.
La réforme de la collecte sélective en bref :
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La collecte sélective sera modernisée afin que les entreprises qui mettent en marché au Québec des contenants, emballages, imprimés et journaux aient désormais la responsabilité de s’assurer de la récupération et du recyclage de ces produits tout au long de leur cycle de vie. Il s’agit du principe de la responsabilité élargie des producteurs.
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Actuellement, les entreprises assument 100% des coûts de la collecte sélective en versant une compensation financière aux municipalités, mais elles n’exercent aucun rôle dans la gestion des opérations.
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Avec la modernisation annoncée, non seulement les entreprises assumeront les coûts de la collecte sélective, mais elles en assureront désormais la gestion. Elles prendront donc en charge la récupération, le tri, le conditionnement et le recyclage des produits qu’elles mettent en marché.
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Ces producteurs devront atteindre des objectifs de récupération et de recyclage, sous peine de pénalités.
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Un organisme reconnu par RECYC-QUÉBEC se chargera, au nom des entreprises, d’atteindre les objectifs de récupération et de recyclage. Il est fort à parier qu’Éco Entreprises Québec, qui est l’organisme agréé, qui représente depuis plusieurs années ces producteurs dans le cadre de la collecte sélective, devienne l’organisme reconnu.
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La réforme de la collecte sélective est accompagnée d’un budget de 30,5 millions de dollars qui serviront notamment à moderniser les centres de tri.
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Les producteurs devront conclure des partenariats avec les et organismes municipaux qui continueront à assurer la collecte et le transport des matières recyclables que les citoyens mettront dans leur bac de récupération.
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Pour les citoyens, rien ne change; ils continueront à utiliser leur bac de récupération. Il n’y a donc pas de retour au tri à la source au moyen de bacs de récupération comportant plusieurs compartiments, comme nous l’avons déjà connu.
Des documents officiels à venir
Notons que ces annonces ne sont pas encore accompagnées d’un projet de loi ou de règlement. Nous devrons donc attendre les documents officiels pour confirmer avec certitude la teneur réelle de la réforme proposée.
Cela dit, on peut s’attendre, pour la consigne, à ce que la Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses dans des contenants à remplissage unique ainsi que son règlement d’application soient modifiés. Pour la collecte sélective, on peut prévoir une modification du chapitre de la Loi sur la qualité de l’environnement portant sur la compensation pour les services municipaux comme le règlement qui en découle d’ailleurs.
La fin d’un long débat
Avec ces annonces, le gouvernement Legault démarre en force son « année de l’environnement », en résolvant un long débat entre partisans et opposants de la consigne, ainsi qu’en agissant pour pallier l’inefficacité de certains centres de tri et stimuler la valorisation au Québec et la création de débouchés.
Quelle que soit notre position sur ces questions, il convient de saluer la volonté du gouvernement du Québec de se positionner en proposant de nouvelles initiatives en faveur du développement durable.
Une réforme nécessaire
En toute franchise, il y a déjà un bon moment qu’une réforme était nécessaire dans le dossier des matières résiduelles. En effet, bien que les taux de récupération (proportion des matières collectées et triées) aient sensiblement augmenté depuis les années 1990, il est difficile d’évaluer la proportion de matière réellement recyclée ou valorisée, puisqu’une part significative de nos matières récupérées était expédiée sur les marchés asiatiques, jusqu’à leur récente fermeture, en raison de la faible qualité de ces matières.
De plus, nous avons pu constater que plusieurs centres de tri opéraient avec des équipements désuets ou des technologies peu adaptées. Dans ces circonstances, le coût du recyclage, ultimement assumé par les citoyens, est présentement très élevé si l’on considère ses résultats mitigés.
L’élargissement de la consigne n’étant qu’une réponse partielle à l’enjeu du tri à la source, la modernisation de la collecte sélective était nécessaire. Le gouvernement fait preuve d’un courage politique significatif en allant de l’avant avec l’élargissement de la consigne et la modernisation de la collecte sélective. Il ne reste plus qu’à espérer que le jeu en vaudra la chandelle!
Me Hélène Lauzon, avocate et urbaniste | Me Olivier Dulude |
Présidente-directrice générale |
Directeur adjoint des affaires publiques et législatives |
1 Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses dans des contenants à remplissage unique et Règlement sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses;
https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/consigne-entente-biere2019.pdf ;
https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/consigne-entente-boissons-gazeuses.pdf.
2 Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises.
3 Le gouvernement prétend que le manque à gagner de la collecte sélective, en raison du fait que des contenants qui s’y retrouvent présentement seront désormais consignés, représenterait 10% des revenus du régime de la collecte sélective et que cette somme pourrait, toujours selon le gouvernement, être récupérée par les revenus provenant des contenants consignés que des consommateurs continueront de déposer dans le bac bleu. Nous ne sommes pas en mesure vérifier ces chiffres.
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