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Le plastique : petit guide pour comprendre une question complexe

 

Il va sans dire que la question du plastique prend de plus en plus de place dans l’espace public. Pour preuve, il n’y a qu’à penser aux récentes initiatives gouvernementales à ce sujet, comme le bannissement des sacs de plastique à usage unique à Montréall’élargissement de la consigne au Québec, ou au leadership du Canada concernant l’adoption, par le G7, de la Charte sur les plastiques dans les océans.
 

Mais pourquoi cette question est-elle à l’avant-plan des questions environnementales? Pourquoi nos sociétés consomment-elles autant de plastique? Que font nos gouvernements à ce sujet? Dans la présente édition du pupitre de la PDG, je vous propose de démystifier ces questions.
 

Mais d’abord, il convient de définir ce qu’est du plastique.

 

Le plastique : une substance versatile et modelable

Sur le plan scientifique, les plastiques se définissent comme étant des polymères à longue chaîne ayant une masse moléculaire élevée. Plus simplement, le plastique constitue un matériau issu principalement du pétrole ou du gaz naturel, mais qui peut aussi être fabriqué à base de plantes, et qui présente une combinaison étonnante de propriétés, dont la rigidité, la souplesse et l’élasticité[1].

 

À quoi ça sert?

En raison de ses avantageuses propriétés, le plastique est utilisé dans une kyrielle de produits. On peut séparer ces produits en deux grandes catégories, soit les produits de plastique à usage unique, ainsi que les produits de plastique durables ou à usage multiple.
 

Les produits à usage unique sont ceux que l’on associe souvent à la pollution plastique, comme les emballages de produits alimentaires et de consommation, les sacs d’épicerie et les bouteilles d’eau à usage unique. Les plastiques à usage unique ne sont cependant pas les seules sources de la pollution par le plastique.
 

Les plastiques durables ou à usage multiple, pour leur part, sont bien plus implantés dans notre quotidien que nous le pensons à première vue. En effet, le plastique est utilisé dans une panoplie d’objets comme les vêtements, les enveloppes extérieures de produits électroniques, l’intérieur des voitures, les électroménagers, l’isolation de matériel électrique, le matériel médical ou encore les matériaux de construction. En fait, avec les emballages, c’est dans les matériaux de construction que l’on utilise le plus de plastique au Canada[2].

 

Un matériel aux multiples avantages

Si nous utilisons autant de plastique dans une aussi grande variété de produits, c’est que ce matériau présente des propriétés fort avantageuses. Non seulement il s’agit d’un matériau à la fois rigide, souple et élastique mais il s’agit aussi d’un matériau à la fois versatile et durable. Le plastique est en outre très léger et peu coûteux.
 

Il est possible, par des procédés chimiques, de produire une grande variété de plastiques, permettant ainsi d’accentuer l’une ou l’autre de ses propriétés en fonction de l’usage désiré. Par exemple, le polystyrène est une variété de plastique rigide et très transparente. Il peut facilement être modelé en mousse rigide, légère, imperméable et peu coûteuse. Cette variété est donc parfaite pour les emballages alimentaires, mais aussi pour des produits durables comme les composantes électroniques et les matériaux de construction.
 

Le polypropylène, pour sa part, peut être très rigide et offre une bonne résistance aux impacts. Il se prête donc à la confection de pièces automobiles et d’autres biens durables. Le matériel médical, y compris le matériel utilisé pour combattre l’actuelle pandémie de Covid-19, est notamment composé de plastiques. La résine de polytéréphtalate d’éthylène (PET), par exemple, sert à la confection de visières médicales.  D’autres plastiques sont également utilisés à des fins médicales en raison de leur rigidité et de leur transparence, comme les polycarbonates et les polyméthacrylates de méthyle.
 

D’autres plastiques sont par ailleurs essentiels aux avancées technologiques modernes. C’est le cas, par exemple, du Lycra, du Kevlar, du Nomex, du Dacron, du Teflon, du Lexan et du Gortex.

 

Les enjeux liés à la pollution plastique[3]

La durabilité du plastique, bien qu’avantageuse lorsqu’on désire concevoir et utiliser un produit, se révèle problématique lorsqu’on en dispose. En effet, les plastiques peuvent prendre jusqu’à plusieurs centaines d’années à se dégrader. Ils demeurent donc dans l’environnement pour une très longue période et s’accumulent avec les années.
 

Une fois dans l’environnement, le plastique est susceptible de causer des risques pour la biodiversité et en particulier pour la faune marine, ainsi que pour la santé humaine, s’ils s’introduisent dans la chaîne alimentaire.
 

En effet, les plastiques peuvent être ingérés par les animaux. Il peut alors en résulter des dommages importants à leurs tissus et organes. Dans le cas des microplastiques, leur présence dans les tissus s’accumule au fur et à mesure que l’on remonte la chaîne alimentaire. Il peut donc arriver que les humains consomment des aliments comportant du plastique. En outre, les plastiques dans les océans, et plus particulièrement les engins de pêche abandonnés, posent un risque d’enchevêtrement pour la faune marine. Enfin, lorsqu’il se retrouve en fines particules dans l’air, le plastique peut être inhalé et pourrait présenter un risque de causer des dommages pulmonaires tant aux animaux qu’aux humains. Les tenants et aboutissants de ces effets sur la santé sont cependant encore peu connus et plusieurs études restent encore à être réalisées.

 

La pollution par le plastique au Canada

Des scientifiques ont estimé qu’en 2016, seulement 9% de tous les plastiques utilisés au Canada[4] auraient été recyclés et que 4% auraient été valorisés à des fins énergétiques. Aussi, 86% du plastique utilisé au Canada aurait été enfoui, alors que 1% aurait été rejeté dans l’environnement, soit 29 000 tonnes. La majorité de ces plastiques sont pourtant des plastiques recyclables.
 

Bien qu’une faible proportion du plastique soit rejetée dans l’environnement au Canada, ce plastique s’accumule d’année en année puisqu’il prend beaucoup de temps à se dégrader.
 

Il est intéressant de noter que face au faible taux de récupération du plastique au Canada, un regroupement d’entreprises, de producteurs d’emballages, ainsi qu’une association industrielle, le Groupe d’action plastiques circulaires, a récemment été constitué. Avec l’appui du CPEQ, ce dernier a lancé un projet pilote visant à accroître la récupération et le recyclage du plastique. Ce projet mise sur l’économie circulaire pour les plastiques en assurant une meilleure adéquation entre les besoins des marchés et la filière de la récupération et du recyclage.

 

L’analyse de cycle de vie

Malgré ses impacts sur l’environnement, l’utilisation de certains types de plastiques présente également des avantages environnementaux. Une stratégie adéquate de lutte contre la pollution plastique doit donc tenir compte à la fois des avantages et des désavantages de recourir au plastique dans une situation donnée.
 

C’est un peu ce à quoi sert l’analyse de cycle de vie. Cette méthodologie vise en effet à prendre en compte tous les impacts environnementaux, d’un produit, qu’ils soient positifs ou négatifs. Comme le précise l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, il s’agit d’une analyse « du berceau au tombeau », c’est-à-dire que sont pris en compte les impacts environnementaux d’un produit liés, par exemple, à l’extraction des matières premières, à la fabrication du produit comme tel, à son transport, à sa distribution, à son utilisation, à son recyclage, ainsi qu’à son élimination.
 

Par exemple, l’analyse des impacts environnementaux liés à l’utilisation des plastiques d’emballages alimentaires doit prendre en compte le fait que ces derniers préservent les aliments plus longtemps et réduisent donc le gaspillage alimentaire et les émissions de gaz à effet de serre qui en résultent. En outre, les emballages de plastique étant plus légers que les emballages de verre ou même de carton, leur fabrication et leur transport consomment moins d’énergie et émettent moins de gaz à effet de serre. Sur le plan sanitaire, notons, par ailleurs, que dans le contexte actuel de pandémie de Covid-19, les emballages jouent un rôle important en termes de santé publique. Ces avantages doivent être mis dans la balance lorsque vient le temps de les comparer avec les risques posés par l’utilisation du plastique.

 

Les mesures gouvernementales pour lutter contre la pollution plastique

En plus de tenir compte de l’analyse de cycle de vie, les mesures gouvernementales prises pour réduire la pollution par le plastique devraient, dans la mesure du possible, respecter la hiérarchie des « 3RVE », c’est-à-dire prioriser, dans l’ordre (1) la réduction à la source de la production de plastiques; (2) réutiliser les produits de plastique en respectant leur finalité initiale; (3) recycler les déchets plastiques; (4) valoriser les plastiques à des fins énergétiques par l’incinération; (5) éliminer les plastiques, généralement par l’enfouissement.
 

D’abord, notons que les principales initiatives en matière de réduction à la source proviennent du monde municipal. En effet, par exemple, pour réduire la demande en produits de plastique à usage unique, la Ville de Montréal a banni certains types de sacs d’emplettes à usage uniques[5] et prévoit étendre cette interdiction à d’autres produits à usage unique. En outre, dans le cas de la Ville de Québec, une tarification a été instaurée pour les industries, commerces et institutions qui génèrent des matières résiduelles, créant ainsi un incitatif à générer moins de déchets, y compris des déchets plastiques. D’un autre côté, la consigne est généralement l’outil privilégié par les gouvernements pour assurer la réutilisation de certains produits, lorsque la consigne vise des contenants à remplissage multiple. C’est le cas, par exemple, des contenants d’eau de plus de 8L. En termes de réutilisation, des solutions en plastique sont aussi intéressantes. En effet, les sacs d’emplettes réutilisables sont généralement faits en plastique et constituent un bénéfice environnemental par rapport à l’usage des sacs à usage unique lorsqu’ils sont utilisés de 75 à 100 fois.
 

La consigne peut aussi être utilisée à titre de mécanisme favorisant le recyclage, dans le cas des contenants à usage unique. En effet, la consigne des contenants à usage unique permet un meilleur tri des matières, facilitant ainsi son recyclage. À ce sujet, le gouvernement du Québec a annoncé un élargissement de la consigne à tous les contenants de boisson prête à boire de 100 millilitres à 2 litres, y compris les contenants en plastique.
 

Le recyclage peut également être favorisé par le biais de l’écoconception, c’est-à-dire la conception des produits d’une manière qui en facilite le recyclage. Notons que des technologies de recyclage émergentes, comme le recyclage moléculaire, rendent inutile l’utilisation de nouvelles ressources fossiles pour fabriquer des plastiques. En effet, ces technologies permettent de décomposer les plastiques en leurs monomères de base, pour ensuite les repolymériser en de nouveaux plastiques. À la lumière de ces technologies, des boucles quasi infinies pourraient être créées, favorisant ainsi l’économie circulaire. Le Canada et le Québec sont actuellement des chefs de file mondiaux en ce qui a trait à de telles technologies.
 

En outre, le Québec s’est doté d’un mécanisme de compensation pour les services municipaux de collecte des matières résiduelles. Ainsi, les entreprises qui mettent en marché, notamment des contenants et emballages en plastique, assurent le financement des services municipaux de collecte sélective, une étape cruciale du processus de recyclage.
 

D’un autre côté, peu d’initiatives gouvernementales s’intéressent à la valorisation énergétique des plastiques. Cette solution permet de valoriser des plastiques qui se prêtent mal à la réutilisation ou au recyclage. La valorisation énergétique des plastiques est utilisée, par exemple, par certaines cimenteries qui ont des besoins importants en termes de chaleur.
 

Enfin, l’élimination des plastiques devrait, dans la mesure du possible, être évitée. C’est entre autres pour cette raison que le Québec s’est doté d’une redevance à l’élimination des matières résiduelles. Cette redevance crée un incitatif économique à prioriser la réduction à la source, la réutilisation, le recyclage et la valorisation énergétique.

 

Démystifier une question complexe pour un meilleur encadrement

Comme nous avons pu le constater, la question du plastique est complexe et nuancée. En effet, si la pollution par le plastique nuit aux écosystèmes et peut poser des risques à la santé humaine, il ne faut pas perdre de vue que les plastiques font partie intégrante de nos vies et présentent de multiples avantages, y compris, parfois, des avantages environnementaux.
 

Il convient donc, dans la lutte contre la pollution plastique, de bien comprendre les questions complexes liées à l’utilisation du plastique. Cette étape préalable est cruciale à l’adoption de politiques publiques efficaces.

 

Me Hélène Lauzon, avocate et urbaniste           Me Olivier Dulude
Présidente-directrice générale

Directeur adjoint des affaires publiques et législatives

 

 

 


[1] Gouvernement du Canada, « Ébauche scientifique de la pollution plastique » : https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/pded/plastic-pollution/Evaluation%20Scientifique%20Pollution%20Plastique.pdf, à la p. 14.

[2] Gouvernement du Canada, « Ébauche scientifique de la pollution plastique » : https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/pded/plastic-pollution/Evaluation%20Scientifique%20Pollution%20Plastique.pdf, à la p. 15.

[3] Gouvernement du Canada, « Ébauche scientifique de la pollution plastique » : https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/pded/plastic-pollution/Evaluation%20Scientifique%20Pollution%20Plastique.pdf, aux pages 24 à 76.

[4] Cette donnée inclut les plastiques de tous les secteurs et non seulement les plastiques à usage unique comme les emballages.

[5] Le projet de PDGMR prévoir bannir certains types de sacs d’emplettes à usage unique indépendamment de la matière avec laquelle ils sont fabriqués ou de leur épaisseur.

 

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