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2.1 Mise en contexte sur la notion de bonne gouvernance
La gouvernance désigne l’ensemble des mesures et des règles d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’une organisation. Elle vise à fournir l’orientation stratégique de l’entreprise, à s’assurer que les objectifs soient atteints, que les risques soient gérés adéquatement et que les ressources soient utilisées dans un esprit responsable.
La bonne gouvernance devrait prendre en compte aussi bien le volet économique que la dimension environnementale et la dimension sociale découlant des activités d’une entreprise. La dimension sociale inclut les relations de bon voisinage. Dans ce domaine des relations de bon voisinage, les règles de gouvernance commandent le respect des intérêts des voisins mais aussi la consultation de ces derniers. La gestion des relations de bon voisinage devrait donc faire partie du processus d’évolution de l’entreprise.
Pour favoriser l’harmonie entre l’entreprise et le voisinage, il importe que tous les intervenants connaissent leurs rôles et responsabilités, que l’information pertinente soit colligée, qu’une veille soit assurée par l’entreprise, que les enjeux soient identifiés, que les actions à poser soient connues et bien communiquées, que des procédures soient développées et appliquées et que l’entreprise s’engage dans la communauté, tout en misant sur la consultation des parties prenantes.
Au cours de l’implantation d’une telle démarche, l’entreprise fera assurément face à un enjeu de mobilisation à l’interne. Parfois, il s’avérera nécessaire de bousculer les mentalités à l’interne avant de pouvoir entreprendre un exercice qui intégrera les enjeux sociaux dans la gestion des inconvénients de l’entreprise.
Plusieurs des fonctions de l’entreprise seront mises à contribution pour réaliser une démarche comme celle que le CPEQ favorise dans le présent guide afin d’établir et maintenir de bonnes relations avec la collectivité. Les représentants de chacune de ces fonctions s’engageront de diverses manières et à diverses étapes. Ces fonctions sont les suivantes :
- La direction de l’entreprise s’engagera dans une telle démarche en intégrant ce processus dans son plan stratégique, son plan de gestion de risques et son plan d’action ;
- Le service de l’environnement interviendra au stade de l’identification des inconvénients causés par les activités de l’entreprise et de leurs impacts sur la communauté, mais aussi au stade de l’implantation de mesures de gestion et de réduction des risques découlant des inconvénients causés par les activités de l’entreprise. Il contribuera aussi à l’identification des parties prenantes. Il sera de plus sollicité dans le cadre de l’élaboration du plan d’action et de la mise en place de procédures et de systèmes de gestion ;
- Le service juridique élaborera la liste des exigences légales applicables à l’entreprise et, plus spécifiquement, en matière de troubles de voisinage. Il devient la source principale à consulter lorsque des tensions de voisinage surgissent ;
- Le service de la production et des opérations sera mis à contribution pour élaborer le plan d’action qui permettra d’identifier des mesures concrètes qui permettront de réduire et, si possible, d’éliminer certains inconvénients. Ce service devrait travailler en étroite collaboration avec le service de l’environnement afin d’anticiper et de prévenir les inconvénients susceptibles de découler d’une modification au procédé ou de la capacité de production ;
- Le service des relations avec la collectivité ou encore le service des «relations publiques» identifiera la personne responsable des communications internes et externes de l’entreprise. Il élaborera une procédure de communication avec les voisins pour divers sujets. Il élaborera un programme de sensibilisation, d’information et de formation des employés et des sous-traitants et, peut-être, de la communauté. Il préparera un plan de communication. Ce service devrait piloter tout le dossier de l’engagement de l’entreprise dans la communauté. Dans un scénario de tensions de voisinage, ce service est appelé à jouer un rôle déterminant ;
- Le service de l’environnement et le service des relations avec la collectivité ou «relations publiques», devront, ensemble, mettre sur pied un comité de liaison, identifier son mandat et son mode de fonctionnement et identifier les citoyens et autres parties prenantes qui devraient être invités à siéger au sein de ce comité. La direction devra donner son aval à la création d’un tel comité, à son mandat et à son fonctionnement. Sans l’appui de la direction, la légitimité de ce comité de liaison pourrait être contestée.
Une fois les ressources mobilisées à l’interne, l’entreprise, en travaillant de concert avec tous les secteurs concernés, devrait procéder à un inventaire interne rapide de ses inconvénients de façon à éliminer les plus manifestes et ensuite, entamer sa véritable démarche avec les parties prenantes. Les étapes sont décrites dans les sections suivantes.
2.2 Identification des parties prenantes
En plus du voisinage, d’autres individus ou groupes d’individus peuvent posséder un intérêt dans les décisions ou activités d’une entreprise. L’ensemble de ces acteurs est désigné par l’expression «parties prenantes» ou «parties intéressées». Dans une démarche de bon voisinage, il importe de bien connaître ces «parties prenantes», c’est-à-dire les personnes ou sociétés qui possèdent un intérêt à ce que les activités de l’entreprise soient réalisées selon les principes de responsabilité sociale. Ces parties seront ensuite consultées.
» Identifier et consulter les parties prenantes
Qu’il s’agisse des parties prenantes externes à l’entreprise, telles que les communautés locales (incluant les voisins), les gouvernements, le législateur, les médias, les groupes sociaux, les groupes de pressions, les ONG, les clients, les assureurs, les institutions financières; ou de celles internes à l’entreprise, comme les employés, les administrateurs, les actionnaires, les partenaires, les fournisseurs ou encore les sous-traitants, ces « parties prenantes » revendiquent davantage de transparence de la part des entreprises et l’adoption d’un comportement exemplaire, respectueux de l’environnement, du bien-être et des droits humains.
L’identification des parties prenantes de l’entreprise, internes ou externes, constitue une étape cruciale dans le cadre d’une démarche visant à établir de bonnes relations de voisinage, car elle permet de déterminer l’aire d’influence des activités de l’entreprise et d’initier la consultation, soit le dialogue menant à l’identification et à la compréhension de leurs préoccupations.
Dans le cadre des relations de bon voisinage, certaines parties prenantes possèdent un lien étroit avec l’entreprise et sont directement affectées par ses activités. D’autres parties prenantes, qui ne sont pas directement touchées par les inconvénients de l’entreprise, seront aussi identifiées.
Dans une démarche de bon voisinage, il est donc recommandé de réaliser au départ un portrait socio-économique des parties prenantes afin de déterminer qui sont les acteurs en place, leurs valeurs, leurs préoccupations, leurs intérêts, les enjeux, les perceptions de la situation de l’entreprise, leurs attentes et leurs besoins en termes d’information et de communication.
Ce portrait permettra à l’entreprise de mieux connaître son voisinage et les parties prenantes qui l’entourent, de mieux cerner les enjeux qui risquent de surgir en fonction des valeurs de ces acteurs, de déterminer la meilleure façon de communiquer et d’intervenir pour mettre en place des mesures de mitigation le cas échéant. Par la suite, ces parties seront invitées à participer à la démarche de bon voisinage de l’entreprise. L’identification des parties prenantes qui seront sollicitées dans la démarche constitue donc une étape déterminante.
» Consulter les parties prenantes
L’entreprise devrait consulter les parties prenantes afin d’identifier avec celles-ci les préoccupations et impacts provenant de ses activités. En effet, il est impossible de réaliser un inventaire des inconvénients ou un plan de communication si les parties prenantes n’ont pas été préalablement consultées. Les préoccupations des parties prenantes devraient constituer le coeur de la démarche. Plus les parties prenantes sont engagées en amont, plus les chances de succès de la démarche sont accrues. Il est important de mentionner toutefois qu’il est souhaitable que l’entreprise fasse d’abord l’exercice d’établir un inventaire préliminaire interne de façon à éliminer les inconvénients plus manifestes et ensuite entamer le processus de consultation avec les parties prenantes.
» Dresser une liste des parties prenantes
Le tableau 1 ci-dessous permet de dresser une liste de parties prenantes et de leurs préoccupations. Cette liste n’est pas exhaustive. Il est recommandé de procéder à cet exercice en comité, composé d’un représentant de tous les secteurs de l’entreprise.
Tableau 1 : Exemples de parties prenantes affectées par les relations de bon voisinage et leurs préoccupations
Parties prenantes | Principales préoccupations |
---|---|
Voisins immédiats (peut inclure une école) | Qualité de vie et protection de l’environnement |
Communauté locale, ONG*, associations diverses, organismes de développement économique | Retombées économiques Impact de l’entreprise sur l’environnement et qualité de vie des citoyens |
Administrateurs | Responsabilité en cas de contravention aux lois et règlements |
Employés | Protection de l’environnement et respect des droits des travailleurs Maintien de leur emploi Réponses aux commentaires du milieu |
Représentants gouvernementaux (municipalité, ministères, etc.) | Respect des lois et règlements Respect de la qualité de vie et de l’environnement Efficacité et stabilité des normes Maintien du développement économique tout en disposant sur un territoire d’entreprises qui respectent les normes environnementales Pressions de leurs concitoyens |
Clients | Réputation de leurs fournisseurs |
Assureurs, banquiers | Impact financier des mauvaises relations de voisinage sur l’entreprise et moyens pris pour réduire cet impact s’il s’avère négatif |
*Organisations non gouvernementales.
Une fois dressée la liste des parties prenantes et leurs préoccupations identifiées, il est recommandé d’analyser l’influence des parties prenantes sur l’entreprise et l’impact de l’entreprise sur ces parties pour déterminer ainsi les priorités à accorder au traitement des inconvénients. Cet exercice peut se faire avec les parties prenantes en complétant l’annexe 1.
Une fois cette analyse complétée, il est recommandé de dresser la liste des inconvénients et ensuite, de croiser cette information avec les préoccupations de parties prenantes et ainsi, l’entreprise sera plus apte à élaborer son plan d’action pour adopter des mesures spécifiques visant à atténuer ou réduire les inconvénients. Cet exercice pourra se faire en complétant le tableau de l’annexe 2.
Pour permettre à l’entreprise de bien identifier les inconvénients, il est nécessaire de comprendre la notion de troubles de voisinage.
2.3 Définition de la notion de troubles de voisinage
La notion de troubles de voisinage renvoie aux inconvénients que subissent les voisins d’une entreprise en raison des impacts causés par l’exercice des activités. Ces inconvénients peuvent aussi bien provenir d’émissions de poussières, de bruit, d’odeurs, de vibrations, de radiations, d’éclairage ou d’autres troubles du même genre qui sont susceptibles de porter atteinte au confort, au bien-être, à la santé ou à la sécurité des citoyens.
Le Code civil du Québec (C.c.Q.) consacre en quelque sorte cette notion de troubles de voisinage à son article 976. En vertu de cette disposition, «les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.» A contrario, les voisins n’ont pas à accepter les inconvénients anormaux de voisinage, c’est-à-dire les «troubles de voisinage».
L’article 976 ne définit toutefois pas ce qui constitue un inconvénient anormal de voisinage. Il appartiendra à l’entreprise et aux planificateurs urbain de déterminer ce qui selon eux constitue un inconvénient anormal.
Il est possible de penser que la majorité des entreprises causent certains inconvénients à leur voisinage en raison de la nature de leurs activités. Par contre, l’intensification de ces inconvénients pour le voisinage devrait scrupuleusement être évaluée sur une base continue dans le but de déterminer s’ils franchissent le cap de la normalité pour devenir «anormaux».
Pour leur part, les tribunaux analyseront désormais les dossiers de troubles de voisinage du point de vue du voisin qui subit l’inconvénient. Le comportement de l’entreprise sur le plan légal ne sera donc plus pris en compte. Seuls les inconvénients subis par le voisin constitueront l’élément déterminant à analyser.
C’est évidemment ce dernier aspect de cette problématique qui apparaît actuellement le plus perturbant pour l’industrie. En pratique, lorsqu’un dossier se judiciarise, cela revient à laisser à l’appréciation d’un tribunal le soin de se prononcer sur les conditions particulières d’exploitation d’une activité industrielle exercée en conformité avec la réglementation, et ce, pour toute situation où un voisin peut faire valoir que cette activité lui occasionne des inconvénients. Par contre, dans l’évaluation en amont de la problématique, l’entreprise et les planificateurs seront en mesure d’exercer leur jugement à cet égard.
L’entreprise doit donc tenter de déterminer si ses voisins subissent des inconvénients et surtout si ces inconvénients sont susceptibles d’être qualifiés «d’anormaux». Dans l’affirmative, elle doit mettre sur pied diverses mesures pour atténuer, réduire et, si possible, éliminer ces inconvénients.
2.4 Élaboration d’un inventaire des inconvénients
Les troubles de voisinage peuvent facilement détériorer les relations de voisinage. De ce fait, dans un contexte préventif, il est primordial de dresser la liste des inconvénients découlant des activités de l’entreprise et d’en découvrir l’origine pour déterminer leur amplitude, leurs impacts et leur importance. L’entreprise devrait inscrire à son inventaire l’ensemble des inconvénients potentiels, perçus et réels, qui sont attribuables à ses activités, qu’ils soient ou non en partie contrôlés.
La réalisation de cet inventaire constitue un exercice qui s’avère subjectif puisque certaines activités sont perçues par les uns comme causant des inconvénients et, par les autres, elles sont perçues différemment. La collaboration des employés de divers secteurs et de différents niveaux hiérarchiques s’avère importante dans le cadre de la réalisation de cet inventaire car elle permet une analyse plus étendue des opérations de l’entreprise. La consultation des parties prenantes externes s’avère également indispensable.
Il convient de prendre en compte non seulement les inconvénients directement attribuables aux activités de l’entreprise mais aussi ceux dont elle est imputable, comme les inconvénients attribuables aux activités des fournisseurs. En procédant à cet inventaire, il importe d’identifier les sources de ces inconvénients et de les classer par catégories.
Parallèlement à la catégorisation des inconvénients résultant des activités de l’entreprise, il importe de dresser l’inventaire des autres inconvénients subis par le voisinage mais qui proviennent de sources différentes. Cet exercice de caractérisation des sources d’inconvénients provenant des voisins permettra éventuellement d’informer le voisinage sur les diverses sources d’inconvénients qui l’entourent pour éviter que l’entreprise devienne toujours la cible de doléances ou de plaintes alors que certains inconvénients peuvent provenir d’autres sources.
Bien entendu, il importe de réviser, sur une base régulière, l’inventaire des inconvénients subis par le voisinage puisque l’environnement peut évoluer et les activités de l’entreprise se transformer. Un système simple de consultation périodique des parties prenantes peut aider à déterminer si un équipement ou une opération produit du bruit, de la poussière, des vibrations ou autres. Ces observations devraient être consignées par écrit dans un registre et traitées par la suite.
Le tableau 2 ci-dessous, qui n’est pas exhaustif, constitue un outil qui permet de relier les activités de l’entreprise aux inconvénients causés au voisinage.
Tableau 2 : Exemples d’inconvénients associés à certaines activités
Activités | Inconvénients |
---|---|
► Éclairage du site trop intense | ► Pollution lumineuse |
► Mauvaise dispersion en provenance de sources ponctuelles (ex. cheminée d’une salle de peinture) | ► Problèmes d’odeurs ► Qualité de l’air |
► Poussières émises par le procédé et les équipements d’épuration ► Réception des matières premières ► Stockage en vrac sans protection ► Expédition des matières premières ► Défectuosité ou mauvais entretien de certains équipements ► Activités de camionnage en sous-traitance |
► Qualité de l’air (problèmes de poussières, de bruit et d’odeurs) |
► Aménagement paysager non entretenu/négligé ► Affichage agressif, bâtiments négligés ou mal intégrés |
► Lieux inesthétiques (pollution visuelle) ► Pollution visuelle |
► Entreposage de résidus à l’extérieur ► Déchets, immondices, rebuts et détritus ► Amoncellement de matières organiques ► Débris de construction ou démolition ► Ferrailles, pneus, pièces ou carcasses d’automobile ► Entreposage de contaminants potentiels non protégés des intempéries ► Stockage de produits en vrac non recouverts |
► Problèmes d’odeurs ► Déversement de produits non désirables ► Présence de vermine ► Problème de contamination si une personne s’aventure sur le site ► Contamination de terrains et de la nappe phréatique |
► Exploitation continue (24 h/24 h, 7 j/7 j) ► Réception et expédition des matières premières la nuit ► Passage de trains, déchargement et chargement ► Ventilation et climatisation des bâtiments ► Dynamitage |
► Problèmes de bruit et possibilité de vibrations |
► Circulation des camions sans bâche sur la voie publique ► Transport par camionnage et chemin de fer |
► Risque de collisions, d’accidents avec les piétons ► Qualité de l’air (émissions de poussières) |
► Entretien extérieur déficient | ► Prolifération de mauvaises herbes (herbe à poux) |
Une fois identifiés les inconvénients, il importe de connaître les exigences légales applicables à l’entreprise pour ainsi établir si, en raison de certains inconvénients identifiés, l’entreprise respecte la législation et la réglementation et si elle court le risque de voir sa responsabilité engagée.
2.5 Identification des exigences légales et autres exigences corporatives applicables
Dans le cadre d’une démarche préventive visant à prévenir les troubles de voisinage, il est recommandé d’identifier la liste des exigences légales applicables à l’entreprise et d’établir si l’entreprise se conforme à cette législation. Il convient aussi de vérifier si l’entreprise respecte les engagements qu’elle a pris dans le cadre de ses demandes de permis et de certificat d’autorisation, surtout si elle s’est engagée, par exemple, à respecter en tout temps les critères de bruit du Ministère de Développement durable, de l’Environnement des Parcs (MDDEP).
Comme plusieurs entreprises sont assujetties à des exigences corporatives, il importe aussi de dresser la liste de ces exigences internes.
En connaissant les exigences légales et corporatives auxquelles elle est assujettie, l’entreprise sera en mesure d’offrir des programmes de formation à ses employés et de réduire les inconvénients produits par ses activités.
En dressant la liste de ces exigences, il convient d’identifier la législation fédérale, la législation provinciale, incluant le Code civil du Québec, ainsi que la réglementation municipale applicable.
Bien entendu, l’entreprise devrait non seulement identifier la législation applicable mais aussi s’assurer qu’elle la respecte. Pour une analyse fine et détaillée de la législation applicable, se référer à l’annexe 3 du présent guide.
» Identifier les lois, réglements et directives applicables au niveau fédéral
L’entreprise devrait faire l’inventaire des lois et règlements qui s’appliquent à ses activités au niveau fédéral et, plus spécifiquement, dans le domaine des troubles de voisinage.
» Identifier les lois, réglements et directives applicables au niveau provincial
L’entreprise devrait dresser l’inventaire des lois et règlements qui s’appliquent à ses activités au niveau provincial et, plus spécifiquement, dans le domaine des troubles de voisinage. L’article 976 du Code civil du Québec établit la règle à suivre au niveau provincial dans le domaine des troubles de voisinage.
L’avant-projet de Loi sur l’aménagement durable du territoire visant la refonte de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, ne contient aucune disposition spécifique visant à prévenir la problématique des troubles de voisinage. Le CPEQ compte suivre ce dossier et celui touchant l’élaboration des nouvelles orientations gouvernementales afin que cette problématique soit prise en compte.
» Identifier les règlements et directives applicables au niveau municipal
La législation municipale québécoise2 confère aux municipalités et aux collectivités territoriales des compétences étendues en matière de réglementation des nuisances publiques. Il s’agit d’une compétence historique des corps politiques municipaux et la plupart des municipalités ont d’ailleurs adopté depuis fort longtemps des règlements sur le bruit communautaire, les poussières, les odeurs, l’assainissement de l’atmosphère, etc. Sans en établir un inventaire exhaustif, il convient de souligner deux caractéristiques de cette réglementation.
Rappelons d’abord que les municipalités régionales de comté (MRC) ainsi que les municipalités possèdent des pouvoirs de réglementation. Le schéma d’aménagement que la MRC dresse, établit les grandes orientations du territoire et, en ce sens, la MRC possède le pouvoir de limiter les conflits d’usage en élaborant ses orientations de façon à respecter des zones tampons entre les zones résidentielles et industrielles.
La municipalité possède un pouvoir similaire avec son plan d’urbanisme et ses règlements de zonage. Le zonage est souvent utilisé par les municipalités pour contrôler ou éviter l’apparition de certaines nuisances. Les règlements municipaux sur les nuisances établissent généralement des normes qui limitent les émissions de substances ou de bruit considérées attentatoires à la salubrité ou à l’ordre public. Le dépassement de la limite qui est établie par une norme de rejet ou d’émission est sanctionné par une amende ainsi que par une ordonnance de mise en conformité.
De plus, les normes municipales régissant les nuisances publiques sont étroitement associées au zonage. Ainsi, un niveau de bruit ou de rejet de poussières tolérable dans un secteur zoné industriel peut évidemment faire l’objet d’une prohibition en zone résidentielle.
Si les règles d’aménagement du territoire garantissaient effectivement une stabilité du zonage dans le temps, cette pratique réglementaire pourrait sans doute prévenir nombres de conflits de voisinage occasionnés par les inconvénients d’origine industrielle. Cependant, sous la pression de l’étalement urbain, les contraintes préexistantes des usages industriels du territoire ne sont pas toujours prises en compte à l’intérieur des politiques municipales d’aménagement. Ainsi, de nombreux développements résidentiels sont autorisés aux abords immédiats de terrains zonés industriels sans qu’aucune zone tampon ne soit imposée à leur promoteur, avec pour conséquence l’apparition de situations problématiques similaires à celle de l’affaire Ciment St-Laurent dans laquelle les nouveaux résidents se sont tournés vers les tribunaux civils pour obtenir un redressement face aux activités industrielles qui les incommodaient.
Une fois les parties prenantes identifiées et consultées, les inconvénients déterminés, l’analyse des impacts des inconvénients sur les parties prenantes réalisée et l’identification ainsi que l’analyse de conformité à la législation établie réalisée, un programme interne de gestion du risque, un plan d’action et une procédure pour répondre aux plaintes sont fortement suggérés pour permettre à l’entreprise de bien contrôler ses risques et d’adopter des mesures concrètes pour réduire et, si possible, éliminer les inconvénients.
2.6 Élaboration de mesures de gestion et de réduction des risques, d’un plan d’action et de procédures pour répondre aux plaintes
Dans le cadre de la bonne gouvernance des relations de bon voisinage, l’entreprise devrait mettre en oeuvre diverses mesures afin d’évaluer, sur une base continue, quels sont les risques potentiels auxquels ses activités l’exposent par rapport à ses voisins. Les pressions du voisinage, la possibilité qu’un recours collectif soit intenté contre l’entreprise, la mobilisation des parties prenantes contre l’entreprise en raison des inconvénients qu’elle cause constituent autant de risques susceptibles d’influencer la rentabilité de l’entreprise, ses activités, ses heures de production ou son développement, en plus de préoccuper ses partenaires d’affaires.
La mise en place d’une procédure de gestion de risques en continu permettra donc à l’entreprise d’identifier les risques les plus importants et de déterminer les priorités de traitement. Il s’agit de mettre en place un système de veille permanente en concertation avec les parties prenantes.
De plus, un plan d’action visant l’adoption de mesures concrètes qui permettront de déployer les ressources financières et humaines nécessaires pour contrer un risque potentiel ou un problème réel, devrait être élaboré par l’entreprise.
Une fois le plan d’action et la procédure de gestion des risques établis, il est essentiel de mettre en place une procédure de traitement des plaintes pour offrir aux citoyens un canal officiel de communication et permettre une gestion efficace des plaintes en définissant clairement la marche à suivre tant pour les parties prenantes internes qu’externes. Rappelons que la mise en place de telles mesures nécessite un engagement budgétaire, une allocation de ressources, sans lesquels il sera difficile, voire impossible, d’aller de l’avant.
» Mettre en place un programme de gestion, de contrôle et de suivi des risques
Sur la base de l’analyse des inconvénients produits par ses activités industrielles, l’entreprise sera en mesure de mettre en place un programme de contrôle et de suivi des risques.
Pour ce faire, l’entreprise peut installer certains équipements de mesure permanents. Les équipements permanents fonctionnent normalement en continu et sont souvent dotés de systèmes d’alarme lorsque certains seuils sont dépassés. L’entreprise devrait établir les fréquences de suivi sur la base du type d’inconvénient et du degré de risque évalué au départ.
Le programme de gestion, de contrôle et de suivi des risques attribuables aux inconvénients causés au voisinage devrait également prendre en compte toute modification apportée aux activités de l’entreprise, que ce soit des variations de l’intensité, de la durée d’une activité existante, d’un changement d’équipement ou de procédé, ou encore l’ajout d’une activité.
Aussi, lorsque l’entreprise envisage apporter des modifications, il convient d’évaluer les inconvénients temporaires et permanents qui résulteront du projet. Il serait également souhaitable de consulter en amont les parties prenantes afin de prendre en compte leurs préoccupations pour éviter les désagréments susceptibles de résulter de ces modifications. Ce type de consultation entraînera de meilleurs résultats si l’entreprise présente au préalable ses objectifs et ses contraintes aux parties prenantes. Il n’est pas souhaitable de présenter à ces parties un projet achevé, sans contexte, qui n’offre que peu d’opportunités de modifications. Il s’agirait alors seulement d’une séance d’information et non d’une consultation publique.
L’entreprise aurait donc avantage à revoir son inventaire des inconvénients, sur une base régulière, afin de s’ajuster à son milieu, à ses activités et à ses nouveaux projets.
» Préparer un plan d’action pour minimiser ou éliminer les inconvénients
Le plan d’action englobe une série de mesures concrètes qu’une entreprise souhaite mettre de l’avant pour innover et proposer des solutions qui favoriseront les relations de bon voisinage.
Alors que le programme de gestion, de contrôle et de suivi des risques devrait permettre à l’entreprise d’identifier les inconvénients prioritaires à traiter à court, moyen et long terme, au stade de l’élaboration du plan d’action, il est souhaitable que l’entreprise se questionne sur la possibilité de réduire et, si possible, d’éliminer chaque type d’inconvénient préalablement identifié.
Ainsi, afin de réduire les effets sur la population et d’atteindre des résultats immédiats, il peut s’avérer plus efficace pour l’entreprise de réduire ou, si possible, d’éliminer rapidement plusieurs inconvénients mineurs, dont l’effet cumulatif est quand même significatif, plutôt que de s’attaquer dès le départ à contrer un inconvénient majeur dont la solution peut s’avérer complexe et de longue durée. L’important consiste à pouvoir démontrer que l’entreprise accomplit des progrès.
Afin de maximiser les possibilités d’atténuer un inconvénient recensé, l’entreprise devrait s’informer des meilleures méthodes existantes et identifier les pratiques opérationnelles qui ont fait leurs preuves. Pour ce faire, le CPEQ suggère que l’entreprise examine ses processus et méthodes de gestion, particulièrement ceux reliés au transport et à la logistique, puisque ces derniers sont les plus souvent en cause dans les dossiers de troubles de voisinage.
L’entreprise peut également adopter des directives relatives à l’entretien des sites portant sur la propreté, le drainage et l’écoulement des eaux de surface, les émissions de poussières et l’élimination des eaux résiduelles traitées. Dans certains cas, le mauvais entretien des équipements affectera leur performance et entraînera l’émission de substances. Il convient alors de déterminer les paramètres optimaux, d’entretenir et de calibrer les équipements afin d’assurer leur bon état de fonctionnement en tout temps.
Ce processus doit être itératif, c’est-à-dire que les résultats du plan d’action devraient être évalués de manière régulière grâce au programme de contrôle et de suivi des risques. Le plan d’action devrait alors être modifié et reconduit afin de permettre une amélioration continue et de prendre en compte tout changement survenant au sein de l’entreprise.
Une fois le plan d’action établi, l’entreprise devrait mettre en place des procédures et un système de traitement des plaintes.
» Mettre en place une procédure de traitement des plaintes de voisinage
Malgré les actions prises dans le cadre d’un plan d’action, les activités d’une entreprise peuvent tout de même causer des inconvénients à son voisinage. Dans un contexte préventif, la mise en place d’une procédure pour répondre aux plaintes découlant des troubles de voisinage s’avère incontournable pour accompagner les employés. Cela envoie également un signal très clair à l’interne et à l’externe sur la rigueur avec laquelle l’entreprise traite le dossier des troubles de voisinage.
Au départ, il est primordial de nommer une personne responsable des communications pour les relations de bon voisinage. Il peut s’agir de la personne responsable de l’environnement, d’une personne du service des ressources humaines ou encore d’une personne du service des relations avec la communauté ou des affaires publiques. La personne retenue devra posséder les aptitudes pour remplir ce rôle. Elle devra être dotée d’une diplomatie innée, de patience, d’une capacité d’écoute et savoir faire preuve d’empathie. Cette personne devra posséder la rigueur nécessaire pour respecter les procédures et s’assurer de bien effectuer le suivi des demandes ou plaintes.
Un organigramme décisionnel pourrait être élaboré pour définir la marche à suivre lorsqu’un incident survient. L’annexe 4 contient un organigramme décisionnel qui constitue un outil utile pour aider l’entreprise. Cet organigramme permet aux dirigeants de l’entreprise d’approuver préalablement les actions proposées.
Lorsque la marche à suivre est approuvée par les dirigeants, la personne responsable des communications à l’interne et à l’externe pour les relations de bon voisinage pourra intervenir dans un contexte clair et structuré. Son intervention sera plus efficace puisqu’elle sera en mesure de répondre efficacement aux plaignants dans les délais prévus pour régler la situation. Cet organigramme permettra aussi à un substitut d’agir exactement de la même façon en cas d’absence de la personne responsable.
Les employés, et toute personne travaillant pour le compte de l’entreprise, susceptibles d’interagir avec un voisin de l’entreprise, devraient suivre des sessions de formation portant sur le processus de communication en place lorsqu’une plainte est formulée.
Deux éléments essentiels doivent être présentés lors de la formation. Premièrement, il est important de bien renseigner les employés sur la façon de répondre à un voisin. À cette étape, l’empathie est de mise. Advenant le cas où l’employé n’est pas la personne responsable des communications de l’entreprise, il devra limiter son intervention. En effet, l’employé ne doit pas partager son opinion, mais plutôt rapporter ce que le voisin lui aura confié. S’il s’agit d’une plainte ou d’une interrogation concernant l’entreprise, l’employé doit prendre les coordonnées de la personne et l’aviser qu’une personne de l’entreprise communiquera avec elle sous peu. À ce stade, il importe d’insister sur les informations qui doivent être transmises à l’entreprise pour assurer le traitement de la plainte. Bien que le suivi de la plainte soit essentiel, il est toujours important de souligner au plaignant quelles sont les prochaines étapes afin que ce dernier soit rassuré.
Le second volet qui devrait être présenté dans le cadre de cette formation porte sur la chaîne de communications à respecter lors des interventions avec le voisinage. Les employés doivent comprendre l’importance de rapporter toutes communications avec un voisin, que ce soit une plainte, un commentaire, une interrogation ou même des félicitations.
La possibilité de prendre le pouls de la communauté constitue un élément critique, qui, lorsque bien géré, permet à l’entreprise de prendre les devants dans ses relations avec le voisinage. Enfin, les employés doivent connaître le processus à suivre pour faire inscrire dans la base de données toute communication intervenue avec un voisin.
Le système de traitement des plaintes devrait permettre au plaignant d’inscrire rapidement sa plainte et d’obtenir une réponse dans un délai très rapide3. Voici quelques exemples d’actions et de moyens susceptibles de se retrouver dans un tel système :
- Mettre à la disposition du voisinage un moyen de communication pour permettre aux citoyens d’acheminer leurs commentaires ou leurs plaintes (ligne téléphonique, lien internet ou télécopieur);
- Offrir la possibilité de parler à la personne responsable des relations avec la communauté pour répondre à leurs questions ou pour recevoir leurs commentaires;
- Analyser rapidement la situation à la suite de la réception d’une plainte et prendre les mesures appropriées;
- Effectuer un suivi auprès de l’auteur de la plainte;
- Documenter la situation (nature de la plainte, résultats de l’analyse, actions posées pour remédier aux problèmes) afin que ces données puissent être utiles advenant une poursuite.
En fonction de la taille de l’entreprise, des procédures spécifiques peuvent être élaborées afin d’expliquer la marche à suivre en cas de plainte. Ces procédures peuvent être intégrées dans un système de gestion environnementale.
L’annexe 5 présente des exemples de procédures pour répondre à des plaintes.
- Traitement d’une plainte par le superviseur;
- Traitement de plaintes pour des dommages à des voitures;
- Traitement de plaintes pour des dommages à des résidences.
- Notons qu’il est recommandé de dénoncer à la municipalité les situations pour lesquelles une entreprise reçoit plusieurs plaintes. La municipalité pourra ainsi être en mesure d’informer les citoyens qui communiqueront avec elles et de collaborer avec l’entreprise pour la recherche de solutions.
Il est important à cette étape de réitérer que, dans l’hypothèse où des changements majeurs surviennent au sein de l’entreprise et qu’ils sont susceptibles d’entraîner des inconvénients, il serait préférable de prévenir les voisins. Une rencontre pourrait même être envisagée afin de sonder l’opinion et de prendre en compte les préoccupations du voisinage.
Une lettre pourrait être transmise aux citoyens susceptibles d’être incommodés par des travaux extraordinaires. Cette lettre devrait expliquer la description des travaux, la durée, la date de début et de fin anticipée, les heures pendant lesquelles les travaux devraient s’effectuer, les inconvénients qui en découleront ainsi que les coordonnées du représentant de l’entreprise qui serait en mesure de répondre aux questions. Des formules de politesse devraient s’y retrouver et les avantages de ces travaux pour la communauté devraient être énumérés. L’annexe 6 présente un exemple de lettre.
Rappelons en terminant cette section que la présence de contaminants à la limite du terrain d’une entreprise doit être dénoncée aux voisins concernés en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Le responsable des communications gagnerait donc à rencontrer les voisins concernés pour expliquer la problématique et une lettre pourrait par la suite leur être transmise.
- 2. L’article 463(1) de le Loi sur les cités et les villes (L.R.Q., chapitre C-19), l’article 546(I) Code municipal du Québec (L.R.Q., chapitre C-27.1) et l’article 4 Loi sur les compétences municipales (L.R.Q., chapitre C-47.1)
- 3. Pour une plus grand efficacité, il serait très souhaitable que ces informations soient rapidement compilées dans une base de données informatique. De cette façon, des bilans annuels pourront être réalisés et les tendances pourront faire l’objet d’analyse afin de déterminer si l’entreprise s’améliore.